Cardinal Jean-Marie Lustiger 17 septembre 1926 - 5 août 2007 |
Père
Matthieu Rougé, actuellement prêtre de la paroisse Saint-Ferdinand des Ternes (Paris
17e)
était le secrétaire particulier du Cardinal Jean-Marie Lustiger de 2000 à
2003. Il a accepté de revenir pour nous – dix ans après sa mort – sur la
relation singulière qu’il entretenait avec lui .Témoignage.
Comment êtes-vous arrivés au poste de secrétaire
particulier ?
Je suis
l’un des douze prêtres à avoir eu la grâce d’être le secrétaire particulier du
Cardinal Jean-Marie Lustiger. Le premier ayant été Monseigneur André Vingt-Trois.
Le cardinal savait qu’il était exigeant d’être son secrétaire et changeait de
secrétaire tous les deux ou trois ans. Et un jour, le sort est tombé sur moi et
j’ai eu la chance pendant trois ans de travailler au quotidien avec lui.
Vous
y attendiez-vous ?
Ce
n’est pas quelque chose que j’avais vraiment imaginé. J’avais cependant eu
l’occasion de travailler avec le cardinal et de l’assister pour un ou deux événements ponctuels et je savais spontanément que nous aurions une bonne
relation.
Quel
était votre quotidien ?
Nous
étions toute une équipe à travailler avec lui. Personnellement, je partageais
ses repas, sa prière, je l’accompagnais dans tous ses déplacements, dans les
paroisses ou à l’étranger. Oui, je peux dire que j’ai partagé beaucoup de
choses avec lui : des enthousiasmes artistiques, des interrogations
politiques ou géopolitiques.
On
dit que c’était un homme intransigeant…
C’est
vrai, il avait tellement d’intuition et d’énergie qu’il n’était pas toujours
facile de le suivre. Une fois que nous nous sommes ajustés l’un à l’autre, nous
avons travaillé de manière très agréable, avec une grande confiance mutuelle et
une simplicité dans les rapports. L’énergie et l’intuition du Cardinal se
payaient de temps en temps au prix fort. Il fallait accepter que sa pensée
s’exprime parfois de manière éruptive. Le Cardinal avait un sentiment très fort
qu’il fallait donner le meilleur de soi-même au cœur de l’Évangile.
Quels
sont vos souvenirs marquants ?
Mon
souvenir le plus marquant, c’est le Cardinal prêchant à Notre-Dame de Paris
l’Évangile à la main. Il avait une présence hors du commun pour dire la
vitalité de la parole de Dieu et pour dire la lumière que le christ constitue
pour le monde aujourd’hui. Il avait sans arrêts une disponibilité à saisir
les occasions que la Providence nous offrait d’annoncer l’Évangile. Ce qu’il a
fait en particulier avec les créations de nouveaux médias : Radio
Notre-Dame ou KTO mais aussi dans beaucoup d’autres circonstances, dès qu’il se
passait quelque chose dans la vie du monde.
Que
lui inspiraient ses racines juives ?
Le rapport avec le judaïsme était très important pour le
Cardinal Lustiger. C’était un homme extrêmement pudique et extrêmement blessé
par la mort de sa mère. Il était toujours meurtri lorsque les gens lui en
parlaient avec une sorte de regard désinvolte. Il y avait aussi une zone de
pudeur à respecter mais évidemment son rapport au judaïsme était quelque chose
de constamment présent. Sa nomination en tant qu’archevêque de
Paris avait été mal reçue par les milieux juifs dans un premier temps.
Vingt-cinq ans plus tard, il était une personnalité très reconnue et très
appréciée de la communauté juive. Il était très reconnaissant envers Dieu du
chemin parcouru et aussi du soutien apporté par le Pape Jean-Paul II.
Quel
rapport entretenait-il avec le Pape Jean-Paul II ?
Un lien
de très grand respect et de très grande confiance. Pour certains sujets, il
était la seule personne à laquelle il pouvait se confier en toute liberté. Si
le Cardinal Lustiger me disait qu’il avait besoin de voir le Pape Jean-Paul II,
je décrochais mon téléphone et nous organisions le rendez-vous dans les dix
minutes. Le Pape était très accessible pour le cardinal.
Dix
ans après sa mort, que faut-il retenir comme message spirituel ?
Aujourd’hui il y a une nostalgie qui l’encense de manière
inappropriée. L’important est de nous tourner vers l’avenir. Le Cardinal était
avant tout un croyant qui vivait de sa relation avec Dieu. Plusieurs mois avant
sa mort, lors d’une messe que
nous célébrions ensemble, il m’a ouvert son cœur en me confiant combien il
était certain que tout le bien qu’il avait pu faire, c’était l’œuvre de Dieu et
tout le mal qu’il avait pu faire, c’était sa résistance à l’œuvre de Dieu.
Cette foi a une humilité spirituelle de fond.
Des
célébrations sont-elles prévues ?
Une messe aura lieu à Notre-Dame de Paris à 18h30 le 5 août,
date de sa mort et jour de la Transfiguration.
Le dimanche 24 septembre à 18h30, il une autre messe sera célébrée par le
Cardinal XXIII à Notre-Dame de Paris. Enfin, le 12, 13 et 14 octobre, sera
organisé un grand colloque historique à l’Institut Jean-Marie Lustiger où nous
réfléchirons à la manière dont le Cardinal Lustiger a marqué l’Église dans une
période de crise et de recompositions, de son ordination sacerdotale en 1954 à sa mort en 2007.
Source : Eglise Catholique en France
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